«Et toi, tu pourrais aimer un lépreux ?» 1930, en Crimée. Un homme et une femme se déclarent leur amour. Fille de bolchévik, enfant de la révolution, Anna Larina a seize ans. Dirigeant bolchévik, «enfant chéri du Parti» selon Lénine, Boukharine en a quarante-deux. Huit ans plus tard, en mars 1938, à l'issue du troisième procès de Moscou, il est exécuté sur ordre de Staline. En 1988, il est enfin réhabilité.
Avant son arrestation, Boukharine s'effondre aux pieds d'Anna Larina et lui fait réciter, comme une prière, son testament, sa lettre «à la génération future des dirigeants du Parti», son heure de gloire posthume : «Sachez camarades, que sur le drapeau que vous portez, en marche triomphale vers le communisme, il y a aussi une goutte de mon sang !» Puis il la déchire. Pour cinquante ans.
Cinquante ans de résistance et de combat pour Anna Larina, dont vingt de camps, de prison et de relégation. Sa survie est l'erreur de Staline : grâce à elle, les fils de la mémoire ne sont pas rompus. Son témoignage est un document irremplaçable sur la révolution russe et le stalinisme, leurs tragédies et leurs énigmes. C'est aussi une histoire d'amour, la passion d'une femme inébranlable.